Rencontre avec Aurore,
qui sublime
la galette à Auray

Interview with Aurore, who makes the galette in Auray

Aurore devant sa crêperie, à Auray.
Aurore devant sa crêperie, à Auray.

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre d’Aurore, qui est arrivée dans le monde de la crêpe et de la galette par hasard. Elle met tout son coeur et sa passion pour ravir nos papilles.

Today we meet Aurore, who came into the world of crepes and galettes by chance. She puts all her heart and passion into delighting our taste buds.

Peux-tu te présenter rapidement ?

Can you briefly introduce yourself?

Je m’appelle Aurore Bessy et j’ai 38 ans. Avec Erwan, mon mari, on vient de Josselin dans les terres morbihannaises. Je suis native de Guégon, à 10 petits kilomètres à peine de Josselin. Et puis on est arrivés ici il y a 12 ans. Je n’étais pas du tout dans le milieu de la crêpe avant, je travaillais à l’hôpital. Donc je suis autodidacte.

My name is Aurore Bessy and I’m 38. My husband Erwan and I come from Josselin in the Morbihan region. I was born in Guégon, just 10 kilometres from Josselin. We moved here 12 years ago. I wasn’t in the crepe business at all before, I worked in a hospital. So I’m self-taught.

Pourquoi le choix de la crêpe et de la galette ?

Why crêpes and galettes?

Ça m’est un peu tombé dessus, en vrai, parce que mon mari a toujours été dans la restauration. Il a eu une affaire sur Josselin pendant 14 ans, puis il l’a vendue. Moi je travaillais à l’hôpital, puis il m’a dit qu’il voulait reprendre quelque chose, mais avec moi. A cette époque, je travaillais dans un service compliqué, avec beaucoup de fin de vie. Et il est vrai que c’était peut-être mieux de faire face à la vie qu’à la fin de vie. On a visité plein d’affaires, et puis on est arrivés ici [à la crêperie Saint-Sauveur]. J’ai directement eu un coup de cœur pour l’endroit. Même s’il a été transformé depuis, il avait déjà beaucoup de charme. On a acheté la crêperie, mais mon mari ne voulait pas faire les crêpes, donc j’y suis arrivée malgré moi, par hasard.

Après, j’ai toujours aimé cuisiner. J’ai travaillé dès toute jeune, à faire des extras dans la restauration en plus de mes études. J’ai eu la chance d’avoir un très bon chef, que j’écoutais parce que j’avais plaisir à l’écouter, donc ça m’a aidée. C’était un patron dur, mais bien. Certainement le meilleur que j’ai eu, et ça m’a certainement aidée. Voilà comment j’y suis venue, je n’ai pas fait de formation, ni de crêpe ni de cuisine, j’ai appris sur le tas.

It sort of fell into my lap, really, because my husband has always been in the restaurant business. He had a business in Josselin for 14 years, then he sold it. I was working at the hospital, and then he told me he wanted to start something again, but with me. At the time, I was working in a complicated department, with a lot of people at the end of their lives. And it’s true that it was perhaps better to deal with life than with the end of life. We visited a lot of places, and then we came here [to the Saint-Sauveur crêperie]. I fell in love with the place straight away. Even though it’s been transformed since then, it already had a lot of charm. We bought the crêperie, but my husband didn’t want to make the crêpes, so I ended up there in spite of myself, by chance.

After that, I’ve always loved cooking. I worked from a very young age, doing extra jobs in the restaurant business as well as my studies. I was lucky enough to have a very good chef, who I listened to because I enjoyed listening to him, so that helped me. He was a tough boss, but a good one. Certainly the best I’ve ever had, and that certainly helped me. That’s how I got into it, I didn’t do any training, either in pancakes or cooking, I learnt on the job.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans le métier ?

What do you like best about your job?

Ce qui me plait le plus aujourd’hui ? Eh bien, on a toujours été dans l’évolution. Au début, j’ai repris la carte de notre prédécesseur, parce que je n’y connaissais rien. Ensuite, j’ai fait une rencontre avec un chef qui m’a dit « On voit que tu as envie, donc ta seule limite comme tu n’es pas bridée par la technique, ce sont tes idées ». Et ça m’a fait tilt, je me suis dit que j’allais me faire confiance. Et donc ce qui me plaît c’est de créer, c’est d’être dans la recherche. C’est de dépoussiérer un peu la tradition de la crêpe et de la galette. J’aime aller chercher autre chose que ce qui se fait ailleurs.

What do I enjoy most today? Well, we’ve always been evolving. At the beginning, I took over the menu from our predecessor, because I didn’t know anything about it. Then I met a chef who said to me, « You’ve got the desire, so the only limit, as you’re not constrained by technique, is your ideas ». And that really struck a chord with me, I said to myself that I was going to trust myself. And so what I like is to create, to be involved in research. It’s about dusting off the tradition of the crêpe and the galette. I like to look for something different from what is done elsewhere.

Qu’est-ce qui te plaît le moins ?

What do you like least?

Ce qui me plaît le moins, c’est le fait de louper des choses avec mes enfants. C’est vraiment la verrue de ce travail. C’est un point noir énorme. J’avais dit à mon mari que je le suivais dans ce domaine d’activité mais que je voulais une famille, et que je ne voulais pas qu’ils subissent nos choix professionnels. Malgré tout, ils le subissent. Mais on essaye d’embaucher de façon à se dégager du temps pour être avec eux, même si le recrutement est de plus en plus compliqué. Le covid est passé par là, donc il y a ce qu’on aimerait mettre en place, et il y a ce qu’on peut faire.

What I like least is missing out on things with my children. That’s really the wart in this job. It’s a huge black spot. I told my husband that I’d follow him into this line of work but that I wanted a family, and that I didn’t want them to suffer our professional choices. In spite of everything, they are. But we’re trying to hire people so that we can free up time to be with them, even though recruitment is becoming increasingly complicated. Covid has come a long way, so there’s what we’d like to put in place, and there’s what we can do.

galette détournée
La galette, détournée par Aurore

Tu le disais, ce que tu aimes le plus, c’est de pouvoir créer. Où vas-tu puiser ton inspiration ?

As you said, what you love most is being able to create. Where do you draw your inspiration from?

Dans les produits. Par exemple, récemment, j’ai vu une espèce de pâte de sésame noir qui m’a intriguée. Alors j’ai acheté le pot pour goûter, et ce que j’allais faire avec m’est tout de suite venu.

Je fonctionne comme ça, soit en voyant un produit, soit dans les livres de cuisine. J’ai une bibliothèque culinaire très étendue, j’apprends beaucoup dans les livres. Je regarde aussi beaucoup les réseaux sociaux, pour voir ce qui se fait. Pour rester moderne, parce qu’entre la cuisine des livres (Bocuse par exemple, c’est très traditionnel) et la cuisine qui se fait, il y a parfois un décalage. Il faut cette tradition, mais il y a aussi tous ces chefs qui font des trucs exceptionnels, et j’aime m’en inspirer. Sans les égaler, je n’ai pas cette prétention-là, je ne reste qu’une crêpière.

In the products. For example, recently I saw a kind of black sesame paste that intrigued me. So I bought the jar to taste it, and what I was going to do with it immediately came to me.

That’s how I work, either by seeing a product or by reading cookery books. I have a very extensive culinary library, and I learn a lot from books. I also watch social networks a lot, to see what’s being done. To keep up to date, because there’s sometimes a gap between the cooking in books (Bocuse, for example, is very traditional) and the cooking that’s actually being done. You need that tradition, but there are also all these chefs doing exceptional things, and I like to draw inspiration from them. I don’t want to emulate them, I don’t pretend to, I’m just a crêpière.

On peut voir que tu travailles principalement, voire exclusivement avec des produits locaux et bien sourcés. Pourquoi ce choix-là ?

We can see that you work mainly, if not exclusively, with local, well-sourced products. Why did you make this choice?

Je suis fille et petite-fille de cultivateurs et agriculteurs. Chez mes parents, on n’achète pas de légumes, j’ai grandi en mangeant ce qu’on récoltait. Je suis une fille de la terre, j’aime la terre, voir les choses pousser, la saisonnalité des produits. Il y a plein de gens qui se mettent à faire ça parce que c’est tendance. Et là pour le coup, je n’ai pas envie d’être tendance. J’ai juste envie de faire ce que j’ai toujours connu.

Aussi, je trouve qu’ici, notamment à Auray plus que là d’où je viens, on a la terre et on a la mer. Donc on a un terroir qui est très riche, et on a juste à tendre les bras pour avoir de bons produits. Ensuite, il faut aller à la rencontre des producteurs, goûter leurs produits aussi, parce qu’il y a des producteurs qui vont être à côté mais qui ne vont pas convenir, et puis mettre en avant le terroir local. Et les gens sont en recherche de ça, en plus.

I’m the daughter and granddaughter of farmers. My parents didn’t buy vegetables, so I grew up eating what we harvested. I love the land, seeing things grow and the seasonal nature of produce. A lot of people start doing that because it’s trendy. In this case, I don’t want to be trendy. I just want to do what I’ve always done.

I also find that here, particularly in Auray, more than where I come from, we have the land and we have the sea. So we have a very rich terroir, and all you have to do is reach out for the good produce. Then you have to go and meet the producers, taste their products too, because there are producers who will be next door but who won’t be suitable, and then promote the local terroir. And that’s what people are looking for.

On peut aussi voir que tu as plein de distinctions. Qu’est-ce que ça fait d’avoir cette reconnaissance de la part du milieu, alors qu’on n’a pas de formation ?

You've also won a lot of awards. How does it feel to have all this recognition from the industry, even though you've had no training?

Ça fait qu’on n’y croit pas, en fait.

Pour la petite anecdote, en 2014, quand j’ai été appelée par le Gault et Millau c’est Erwan qui avait décroché et c’était une dame avec un accent anglo-saxon. Elle m’a dit qu’on avait été sélectionnés pour être dans le guide. Comme elle avait un accent américain et qu’on avait énormément de démarchage téléphonique, je ne l’ai pas envoyée paître, mais je lui ai dit que je n’étais pas intéressée et que je n’allais pas mettre d’argent là-dedans. Et elle m’a dit qu’elle ne demandait rien à part nos périodes de fermeture, parce qu’on y était de toute façon ! Quand j’ai répondu à cette dame qu’il n’y avait pas de crêperie dans le G&M, et elle m’a répondu « Quand elles valent le coup, si ». Et donc c’est hyper gratifiant. On est donc depuis 2014 dans le G&M, et ensuite on a obtenu une toque.

Pour le titre de Maître Restaurateur, on a fait la demande pour être audités parce qu’on répondait à peu près à leurs critères.

Ensuite il y a le Collège Culinaire de France, qui récompense les artisans et producteurs de qualité. Quand on nous a expliqué ce que c’était, on s’est dit que c’était parfaitement dans ce que l’on est et ce que l’on recherche. Donc on est rentrés dedans en juin 2021. On a fait une grande rencontre à Paris, où on a rencontré des producteurs exceptionnels, notamment une dame de Bourgogne qui fait du cassis. Ce ne sont pas seulement les petites baies, elle fait de l’eau de cassis, du beurre de cassis, du poivre de bourgeon de cassis… J’ai discuté pendant de longues minutes avec elle, j’étais captivée, ça m’a intriguée. Et c’est tout un réseau comme ça, le CCF. Alors même s’ils ne sont pas en local, on peut découvrir des gens qui sont passionnés, qui font les choses avec le cœur, et ça c’est génial.

Je ne travaille qu’avec le cœur, ça a toujours été comme ça. Peu importe dans quel secteur, j’ai toujours fait pleinement et avec le cœur.

It makes you not believe it, in fact.

As a little anecdote, in 2014, when I was called by Gault et Millau, it was Erwan who picked up the phone and it was a lady with an Anglo-Saxon accent. She told me that we’d been selected to be in the guide. As she had an American accent and we’d had a lot of cold calling, I didn’t tell her to get lost, but I did tell her that I wasn’t interested and that I wasn’t going to put any money into it. And she told me she wasn’t asking for anything apart from our closed periods, because we were there anyway! When I told this lady that there were no crêperies in the G&M, she replied « When they’re worth it, yes ». So it’s really rewarding. So we’ve been in the G&M since 2014, and then we obtained a toque.

For the Maître Restaurateur title, we applied to be audited because we more or less met their criteria.

Then there’s the Collège Culinaire de France, which rewards quality craftsmen and producers. When it was explained to us, we thought it was perfectly in line with what we are and what we’re looking for. So we joined in June 2021. We had a great meeting in Paris, where we met some exceptional producers, in particular a lady from Burgundy who makes blackcurrants. It’s not just the little berries, she makes blackcurrant water, blackcurrant butter, blackcurrant bud pepper… I talked to her for a long time, I was captivated, it intrigued me. And it’s a whole network like that, the CCF. So even if they’re not local, you can discover people who are passionate, who do things from the heart, and that’s great.

 

I only work with my heart, it’s always been like that. It doesn’t matter what sector I’m in, I’ve always done things wholeheartedly.

 

Que voudrais-tu dire aux jeunes générations pour que la tradition de la galette perdure ?

What would you say to the younger generation to ensure that the tradition of the galette continues?

Ce que je veux dire aux jeunes générations, c’est déjà de venir dans la restauration. On a revu les salaires à la hausse presque partout, et amélioré les conditions de travail. Par exemple, on s’est installés il y a 12 ans et on a ouvert 7j/7j pendant 9 ans. Ensuite on a commencé à fermer un jour en été, puis un jour et demi, et là on va fermer deux jours. On s’adapte à la demande, aux gens qui recherchent une qualité de vie et au fait qu’on ne trouve pas de personnel. On doit devenir attrayant. Les jeunes doivent venir travailler dans la restauration, parce qu’aujourd’hui les employeurs payent le personnel correctement, il y a des jours de repos consécutifs. Il n’y a plus d’abus comme avant, notamment avec les apprentis. Maintenant c’est très légalisé.

Et pour que la tradition de la galette perdure, et bien… Un des premiers livres sur la galette que j’ai achetés, c’est celui du Breizh Café. C’est un homme qui est dans la recherche, qui va mêler les origines dans ses galettes. C’est exceptionnel, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Je me dis que finalement la galette peut être tendance, plutôt que ringardisée. Et les gens le voient dans nos assiettes, donc ça peut attirer la jeune génération. Il y a vraiment une mouvance à faire. Le blé noir, c’est un produit exceptionnel qu’on peut détourner, on peut faire beaucoup de choses avec.

En revanche, il faut avoir l’envie. La passion peut venir avec le temps. Si on travaille avec des gens passionnés, c’est plus facile, c’est communicatif !

What I’d like to say to the younger generation is: come and work in the restaurant industry. We’ve raised wages almost everywhere, and improved working conditions. For example, we set up 12 years ago and were open 7 days a week for 9 years. Then we started closing for a day in the summer, then a day and a half, and now we’re going to close for two days. We’re adapting to demand, to people looking for a quality of life and to the fact that we can’t find any staff. We need to make ourselves more attractive. Young people need to come and work in the restaurant business, because today’s employers pay their staff properly and there are consecutive days off. There are no more abuses like there used to be, especially with apprentices. Now it’s very much legalised.

And to keep the tradition of the galette alive, well… One of the first books on the galette that I bought was the one by Breizh Café. This is a man who is into research, who mixes different origins in his galettes. It’s exceptional, I really like what he’s doing. I think that at last the galette can be trendy, rather than old-fashioned. And people see it on our plates, so it can attract the younger generation. There really is a movement to be made. Buckwheat is an exceptional product that can be turned to your advantage, and you can do lots of things with it.

But you have to have the desire. Passion can come with time. If you work with people who are passionate, it’s easier, it’s communicative !

Aurore cuisinant galette
Aurore, appliquée à préparer l'une de ses spécialités.

Retrouvez Aurore et sa passion pour la galette chaque lundi matin dans le Food Tour d’Auray !

Meet Aurore and her passion for galettes every Monday morning in the Auray Food Tour!