Rencontre avec Yvonnick Jégat, ostréiculteur

Meet oyster farmer Yvonnick Jégat

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre d’Yvonnick Jégat, ostréiculteur passionné dans le Golfe du Morbihan. Nous le retrouvons sur la terrasse de dégustation située au cœur de son chantier ostréicole, pour échanger autour des huîtres.

Today we’re off to meet Yvonnick Jégat, a passionate oyster farmer in the Gulf of Morbihan. We meet him on the tasting terrace at the heart of his oyster-farming site, for a chat about oysters.

Yvonnick Jégat, ostréiculteur
Yvonnick Jégat élève ses huîtres avec passion dans le Golfe du Morbihan.

Pourquoi les huîtres ? Comment es-tu tombé dedans ?

C’est une histoire de famille. C’est mon grand-père qui s’est lancé en 1925. Il était d’Arradon, il a acheté des parcs sur l’île d’Arz. Après, mon père a pris la suite et j’ai bossé un peu avec lui pour faire de l’argent de poche. Ça me payait le camping quand j’allais régater, parce que je faisais beaucoup de voile plus jeune. 

J’ai toujours bossé avec mon père, mais c’était son métier. Plus tard, j’ai trouvé un boulot à Paris de commercial en imprimerie. Chouette métier, mais loin de la mer. J’avais deux passions : la voile et la plongée, donc à Paris c’était compliqué. Alors je suis revenu bosser dans les huîtres, mais par amour de la mer. Je suis passionné par mon métier, mais je suis d’abord venu par passion pour la mer. La mer et le vent !

Why oysters? How did you get into oysters?

Why oysters? How did you get into oysters?

It’s a family story. It was my grandfather who started the business in 1925. He was from Arradon and bought some oyster beds on the Ile d’Arz. After that, my father took over and I worked a bit with him to earn pocket money. It paid for the camping when I went racing, because I did a lot of sailing when I was younger. 

I always worked with my father, but it was his job. Later, I got a job in Paris as a printing salesman. It was a great job, but far from the sea. I had two passions: sailing and diving, so in Paris it was complicated. So I came back to work with oysters, but out of love for the sea. I’m passionate about my job, but first and foremost I came here out of a passion for the sea. The sea and the wind!

Comment élève-t-on une huître chez la Maison Jégat ?

Avec amour, pendant 3-4 ans. Chez moi il n’y a que des huîtres naturelles. Je suis venu parce que c’est un métier dans lequel on n’utilisait pas d’intrants. On capte des bébés huîtres, des naissains, après 3-4 ans et tout cela sans intrants. C’est un travail avec la nature, dans lequel ensuite la main de l’homme fait qu’on offre une belle production ou une moins bonne. Mais ce n’est pas toujours facile : on a plein de certitudes dans ce métier, mais aussi plein d’incertitudes, parce qu’on travaille avec la nature.

Je fais des huîtres à l’ancienne, c’est-à-dire un élevage à plat, sur le sol (on sème les huîtres en quelque sorte). Les huîtres sont un peu sauvages si on veut. On les met sur des concessions (parcelles louées à l’Etat pour 33 ans, renouvelables), des parcs ostréicoles, dans le Golfe et en baie de Quiberon. Mais cette technique d’élevage devient compliquée avec les dorades royales, parce qu’elles mangent énormément d’huîtres, donc on a de grosses mortalités. Je vais continuer l’élevage à l’ancienne aussi longtemps que possible, mais je vais être amené à faire plus d’élevage en surélevé, de garder mes huîtres plus longtemps en poches avant de les semer. On réapprend le métier.

How are oysters grown at Maison Jégat ? 

With love, for 3-4 years. I only grow natural oysters. I came to Maison Jégat because it’s a profession that doesn’t use any inputs. We harvest baby oysters, spat, after 3-4 years and all without any inputs. It’s a job that involves working with nature, and then using human hands to produce something good or not so good. But it’s not always easy: you have a lot of certainties in this business, but also a lot of uncertainties, because you’re working with nature.

I make oysters the old-fashioned way, which means farming them flat on the ground (we sow the oysters, as it were). The oysters are a bit wild if you like. We put them on concessions (plots of land leased to the State for 33 years, renewable), oyster beds, in the Gulf and in Quiberon Bay. But this farming technique is becoming complicated with gilthead sea bream, because they eat a lot of oysters, so we have major mortalities. I’m going to continue farming in the old way for as long as possible, but I’m going to have to do more farming in raised beds, keeping my oysters in bags for longer before sowing them. We’re relearning the trade.

Quel est ton aspect préféré du métier ?

La dégustation ! Non, en vrai tout est bien. Le travail à basse mer sur les parcs, la drague des huîtres (c’est-à-dire la pêche des huîtres), c’est super bien. Après, le tri peut être rébarbatif, mais ça fait partie du job. Tu élèves tes huîtres, tu les sèmes, tu les dragues, et quand tu arrives ici il faut les trier. Après tu as la vente et tout ce qui est relation avec les clients qui est sympa. La dégustation sur la terrasse ici, c’est encore une autre relation avec le client et j’adore. Et mon kiff le plus absolu, moi, c’est d’en manger. J’adore en manger. Je n’en mange pas tous les jours, mais j’en mange très facilement, même pour regarder quand on change de parcelle, les matériaux du sol, le sable… ça joue vachement sur le goût.

What’s your favourite part of the job ? 

Tasting! No, it’s all good really. Working on the beds at low tide, dredging for oysters (i.e. fishing for oysters), that’s great. After that, the sorting can be a bit daunting, but that’s part of the job. You grow your oysters, you sow them, you dredge them, and when you get here you have to sort them. Then there’s the selling and all that customer relations stuff, which is fun. Tasting on the terrace here, that’s another relationship with the customer and I love it. And my absolute favourite part is eating it. I love eating it. I don’t eat it every day, but I eat it very easily, even to look at the different plots, the soil materials, the sand… it really affects the taste.

nettoyage et tri des huîtres
Les huîtres sont triées, nettoyées et calibrées.

Et quel est l’aspect du métier que tu aimes le moins ?

Ce que j’aime le moins, c’est tout ce qui est administratif. Toute cette paperasse… Ça fait partie du business, mais c’est beaucoup (trop) de travail.

And what do you like least about your job ? 

What I like least is all the paperwork. All that paperwork… It’s part of the business, but it’s a lot (too much) work.

Quelle est ta façon préférée de manger les huîtres ?

Nature ! Après, il y a de très belles recettes (mais alors moi je suis nul en cuisine, j’essaye d’apprendre mais je pars de très loin). Ma maman cuisinait très bien et j’ai une femme qui cuisine très bien. J’ai cette chance là, mais je m’y mets tout doucement. Je sais qu’il y a de très belles recettes d’huîtres cuisinées. Et je sais aussi qu’en tant qu’ostréiculteur français, il faut qu’on incite la clientèle à manger des huîtres cuisinées parce que de toute façon ça fera vendre des huîtres. Moi je suis à fond dans la défense de l’ostréiculture. Bon, je ne défendrais pas les huîtres triploïdes, mais c’est un autre débat ! 

Quelle est What’s your favourite way of eating oysters ? 

The natural way! After that, there are some very nice recipes (but then I’m rubbish at cooking, I’m trying to learn but I’ve come a long way). My mum cooked very well and I have a wife who cooks very well. I’m lucky that way, but I’m slowly getting the hang of it. I know that there are some very good recipes for cooked oysters. And I also know that as a French oyster farmer, we have to encourage our customers to eat cooked oysters, because that will sell oysters anyway. I’m all for defending oyster farming. Well, I wouldn’t defend triploid oysters, but that’s another debate!

Pourquoi as-tu choisi de ne pas élever d’huîtres triploïdes ?

Les huîtres d’écloseries nous ont emmené des maladies comme l’herpès virus, la mortalité sur les naissains, mais aussi le vibrio asterianus : la mortalité estivale. Faire travailler ces écloseries serait un non-sens pour moi. Alors certes, la laitance ce n’est pas très bon, et les triploïdes n’en ont pas en été. Mais nous, pour faire délaiter les huîtres, on crée des chocs thermiques, et cela nous permet d’avoir de bonnes huîtres non laiteuses toute l’année. Pour moi, qui suis ostréiculteur traditionnel et qui revendique de faire uniquement du naturel, c’est un beau pied de nez à ceux qui sont tombés dans la facilité de la triploïde.

Why have you chosen not to farm triploid oysters ? 

Hatchery oysters have brought us diseases like the herpes virus, spat mortality, and also vibrio asterianus: summer mortality. It makes no sense to me to keep these hatcheries working. Of course, milt isn’t very good, and triploids don’t have any in summer. But for us, to make the oysters milt, we create thermal shocks, and this allows us to have good non-milky oysters all year round. For me, as a traditional oyster farmer who claims to produce only natural oysters, this is a fine way of thumbing my nose at those who have taken the easy way out with triploid oysters.

As-tu vu une évolution depuis que tu as commencé le métier d’ostréiculteur ?

Ah ça oui ! Il y a 30 ans, l’ostréiculteur breton était un producteur. Il produisait en gros, et il vendait ça à la tonne à ce qu’on appelle des expéditeurs, qui mettent en bourriche. Dans les expéditeurs, il y avait les charentais, les grandes maisons à Cancale ou à Riec-sur-Belon. Et généralement ils étaient mauvais payeurs, ils ont mis beaucoup d’entreprises en difficulté. Et moi ça m’a énervé, alors on est partis. Il y a le Super U d’Arradon qui nous a demandé de leur fournir des huîtres, puis le Leclerc de Vannes, et des restaurants, petit à petit. On a gagné des prix avec mon père en 2000 et 2002, dont le concours régional, qui n’existe plus et qui était super. Et je ne dis pas ça parce qu’on l’a gagné 2 fois !

Have you seen any changes since you started as an oyster farmer ? 

Oh yes! 30 years ago, the Breton oyster farmer was a producer. He produced in bulk, and sold it by the tonne to what we call shippers, who put it in crates. Among the shippers, there were the Charentais, the big houses in Cancale or Riec-sur-Belon. And generally they were bad payers, they put a lot of companies in difficulty. And that pissed me off, so we left. The Super U in Arradon asked us to supply them with oysters, and then the Leclerc in Vannes, and restaurants, little by little. My father and I won prizes in 2000 and 2002, including the regional competition, which no longer exists, but which was great. And I’m not just saying that because we won it twice!

huître charnue
C’est au mois de mai que l’huître devient bien charnue.

Ça apporte quelque chose les médailles ? Quel est l’impact sur ton entreprise ?

Oui ! C’est super bien pour l’image de l’entreprise. Il y a ça, et puis j’ai été contacté pour fournir des huîtres au gala de l’équipe de France de la gastronomie (association de grands chefs), que j’ai connue grâce à un client de Rungis. Alors ils sont venus ici sur la terrasse, ils ont passé un très bon moment et ils en gardent tous un super souvenir ! C’est un véritable coup de projecteur sur l’entreprise. C’est une addition de choses qui font que l’entreprise a une bonne notoriété maintenant. Mais il ne faut pas s’endormir là-dessus, il faut continuer à faire du bon.

Do medals bring anything to the table? What impact does it have on your company ? 

Yes! It’s great for the company’s image. There’s that, and then I was contacted to supply oysters for the gala of the French gastronomy team (an association of top chefs), which I met through a customer at Rungis. So they came here on the terrace, had a great time and they all have great memories of it! It’s a real spotlight on the company. It’s a combination of things that have given the company a good reputation. But we can’t rest on our laurels, we have to keep up the good work.

Quelle est la suite pour la Maison Jégat ?

J’ai ma fille qui a 18 ans et qui passe son bac cette année, qui part en Management Hôtellerie Restauration, c’est ce qui lui plaît. Et mon fils, qui a 15 ans, bosse avec moi le dimanche matin pour vendre des huîtres. Il commence à s’intéresser, à me questionner. Lui il aime bien les huîtres, ma fille n’aime pas ça. Je le verrais bien revenir, mais je ne lui imposerai rien. Moi je suis revenu par passion et par envie, alors je n’imposerai rien à mes gosses. 

S’ils reviennent, je ne veux pas qu’ils connaissent les années galères que moi j’ai connu, quand tu n’as pas de trésorerie et qu’il y a des gros remboursements à faire. Je ne le souhaite à personne, j’ai eu 3 années pourries et j’ai mis 5 ans à sortir la tête de l’eau. A cause de la mortalité sur les naissains et des tempêtes, j’ai perdu 2 ans de production. Et une troisième année, ce sont les dorades qui m’ont bouffé 20 tonnes, alors que les huîtres appartenaient à la banque et que je remboursais tout doucement. Ce que je veux transmettre à mes enfants, ce sont surtout les valeurs de la vie et du travail.

Quelle What’s next for Maison Jégat ? 

My daughter, who’s 18 and taking her baccalaureate this year, is going to study Hotel and Catering Management, which is what she likes. And my son, who is 15, works with me on Sunday mornings selling oysters. He’s starting to take an interest and ask me questions. He likes oysters, but my daughter doesn’t like them. I could see him coming back, but I wouldn’t impose anything on him. I came back out of passion and desire, so I won’t impose anything on my kids. 

If they come back, I don’t want them to go through the years of hardship that I went through, when you don’t have any cash flow and there are big repayments to make. I wouldn’t wish that on anyone. I had 3 rotten years and it took me 5 years to get my head above water. Because of spat mortality and storms, I lost 2 years of production. And a third year, it was the sea breams that ate 20 tonnes, even though the oysters belonged to the bank and I was slowly paying them back. What I want to pass on to my children are above all the values of life and hard work.

chantier Jégat
Le chantier de la Maison Jégat se situe à Arradon.

Retrouvez Yvonnick et son équipe lors du Food Tour Bâbord chaque mardi matin ! 

Join Yvonnick and his team on the Bâbord Food Tour every Tuesday morning!