Rencontre avec Jean-Michel Nicol

Meet Jean-Michel Nicol

Jean-Michel Nicol est aux commandes de la cidrerie familiale

Peux-tu te présenter, ainsi que la cidrerie Nicol ?

Can you introduce yourself and the Nicol cider house?

Je suis Jean-Michel Nicol. Nous fabriquons du cidre depuis maintenant 3 générations, 1928, et la quatrième génération arrive dans l’entreprise en septembre.

L’histoire de la cidrerie Nicol, c’est qu’à la base, c’était une ferme, créée en 1928 par un grand oncle. Il y avait des veaux, des vaches, des cochons, et en parallèle il y a toujours eu cette fabrication de cidre. Ce grand-oncle n’ayant pas eu d’enfants, mon père est allé travailler chez lui en 1950. En 1960, il lui a transmis l’entreprise comme si c’était son fils. Puis dans les années 85, il y avait trop de lait produit en France, donc l’Etat a mis en place des quotas, et donnait des primes à ceux qui arrêtaient le lait. Mes parents ont donc récupéré cette prime, et ont investi pour automatiser la production de cidre, et faire 100% de cidre dans la ferme. Puis, en 1993, on est deux frères à avoir pris la suite des parents et à avoir développé l’entreprise depuis. Et depuis maintenant 4 ans, on fait de la bière, Venete’s, qui est surtout vendue dans les restaurants et dans les épiceries fines avec les produits régionaux du coin.

My name is Jean-Michel Nicol. We’ve been making cider for 3 generations now, since 1928, and the fourth generation will be joining the business in September.

The story of the Nicol cider house is that it was originally a farm, created in 1928 by a great uncle. There were calves, cows and pigs, and cider was always being made at the same time. As my great uncle had no children, my father went to work for him in 1950. In 1960, he passed the business on to him as if he were his son. Then in 1985, there was too much milk being produced in France, so the government introduced quotas and gave bonuses to those who stopped producing milk. So my parents got this bonus back, and invested in automating cider production, and making 100% cider on the farm. Then, in 1993, two brothers took over from their parents and have been developing the business ever since. And for the last 4 years, we’ve been making beer, Venete’s, which is sold mainly in restaurants and delicatessens using local produce.

Comment fait-on du cidre ?

How is cider made?

Le cidre, c’est un cycle annuel. On parle souvent de l’abeille à la bouteille. Ce sont des vergers, à la base, où il y a 4 familles de pommes spéciales à cidre : douces, amères, aigres et acidulées. Pour citer quelques variétés, il y a la Douce Coët, Douce Moën, Peau de Chien, Bedan… Ainsi qu’une pomme qu’on appelle Guillevic, qui fait un cidre d’exception.

Au printemps il y a donc la floraison, et la pomme va se former durant le printemps et l’été. Ensuite, il y a le ramassage en septembre, octobre et novembre, suivant les pommes prime et les pommes tardives. Dès qu’elles sont ramassées, elles sont pressées pour en retirer le jus. Ce jus fermente ensuite dans les cuves pendant l’hiver entre 2 mois pour le doux, et 6 mois pour le brut. La mise en bouteille se fait essentiellement au printemps et pendant l’été, avec une vente qui s’étend principalement du printemps à l’été. Fin août-début septembre, les cuves sont vides, donc on va les re-remplir avec les pommes qui arrivent, et ainsi de suite.

Cider is an annual cycle. We often talk about the bee in the bottle. Basically, there are 4 families of special cider apples in these orchards: sweet, bitter, sour and acidulous. To name just a few varieties, there’s Douce Coët, Douce Moën, Peau de Chien, Bedan… and an apple called Guillevic, which makes an exceptional cider.

In the spring, the apple blossoms and develops throughout the spring and summer. They are then picked in September, October and November, depending on whether they are early or late apples. As soon as they are picked, they are pressed to extract the juice. This juice is then fermented in vats over the winter for between 2 months for the sweet and 6 months for the brut. Bottling takes place mainly in the spring and summer, with sales extending mainly from spring to summer. At the end of August/beginning of September, the vats are empty, so we refill them with the apples that arrive, and so on.

Quelle est l’origine du cidre ?

Where does cider come from?

Le cidre nous vient des romains. Ils appelaient ça du vin de pomme, à l’époque. Quand ils ont envahi la Gaule, c’est là qu’ils nous ont apporté le savoir-faire des pommiers, et du vin de pomme. Et c’est là qu’arrive la question, le cidre est-il normand ou breton ? Automatiquement, puisqu’ils sont venus par la mer et que pour venir de la méditerranée, on passe par la Bretagne avant d’arriver en Normandie ! Donc si on est logiques, on l’a eu avant !

Cider comes from the Romans. Back then, they called it apple wine. When they invaded Gaul, that’s when they brought us the know-how of apple trees and apple wine. And that’s where the question comes in: is cider Norman or Breton? Automatically, because they came by sea and to come from the Mediterranean, you have to go through Brittany before you can get to Normandy! So if we’re being logical, we got it first!

Quelle est l’histoire de cette fameuse pomme Guillevic, qui a donné le cidre du même nom ?

What is the story behind the famous Guillevic apple that gave rise to the cider of the same name?

L’histoire du cidre Guillevic, c’est qu’il y a une centaine d’années de cela, un agriculteur entre Vannes et Lorient avait un verger. Dans le temps, toutes les fermes avaient un verger pour faire leur cidre, c’était LA boisson. Ils ne buvaient que du cidre matin, midi et soir pratiquement. Une année, cet agriculteur n’a eu que des pommes Guillevic qui ont poussé. Le jus qu’il en sort est jaune citron, très clair. Mais comme il fallait faire du cidre, il s’est dit qu’il allait continuer. Et finalement, ça a donné ce fameux cidre d’exception, le cidre Guillevic, qui est très fin, très fruité, légèrement acidulé, qui est blanc comme un vieux Champagne. C’est là qu’est né ce cidre Guillevic, qui est le seul cidre Label Rouge de France. C’est d’ailleurs mon frère Didier qui est président du groupement Guillevic Label Rouge.

The story behind Guillevic cider is that a hundred years ago, a farmer between Vannes and Lorient had an orchard. In those days, every farm had an orchard to make cider – it was THE drink. They practically drank nothing but cider morning, noon and night. One year, this farmer only had Guillevic apples growing. The juice that comes out of them is lemon yellow, very light. But as he had to make cider, he thought he’d carry on. In the end, he came up with this exceptional cider, Guillevic cider, which is very fine, very fruity, slightly acidic, and as white as an old Champagne. That’s where Guillevic cider was born, and it’s the only Label Rouge cider in France. In fact, it’s my brother Didier who is president of the Guillevic Label Rouge group.

Combien d’hectares cultivez-vous ? Combien de bouteilles produisez-vous ?

How many hectares do you cultivate? How many bottles do you produce?

On a 13 hectares au global. On produit à peu près le quart de nos pommes, on achète le reste dans le Morbihan-Sud, de Ploërmel jusqu’à Auray, et puis autour de chez nous. Et les années où on manque de pommes, on s’approvisionne dans les départements limitrophes, parce qu’on a une IGP Bretagne sur le cidre, donc nos pommes viennent soit de Bretagne, soit de Loire-Atlantique (qui est aussi comptabilisée dans l’IGP).

On produit environ 1 million de bouteilles, du 25cl jusqu’au magnum d’1,5L. Et tout cela, c’est issu de 1200 tonnes de pommes, ramassées à la machine.

We have 13 hectares in total. We produce around a quarter of our apples, and buy the rest from the south of Morbihan, from Ploërmel to Auray, and then from the surrounding area. And in years when we’re short of apples, we buy from neighbouring departments, because we have a Brittany PGI for cider, so our apples come from either Brittany or Loire-Atlantique (which is also included in the PGI).

We produce around 1 million bottles, from 25cl to 1.5L magnums. And all this comes from 1,200 tonnes of apples, picked by machine.

Peux-tu nous expliquer la différence entre cidre brut, doux, demi-sec, cidre bouché… ?

Can you explain the difference between brut, doux, demi-sec, cidre bouché...?

A la base, les cidres sont tous du jus de pomme. Déjà, pour obtenir le jus de pomme que l’on veut, on fait des assemblages avec différentes pommes. C’est là qu’intervient le travail de l’artisan. Il va tester les cuves en décembre, et c’est là qu’il va façonner le cidre, et assembler les cuves dans des proportions variables. C’est comme pour le vin. C’est là que l’artisan donne le cidre à son image par ses assemblages.

Une fois que ce jus est équilibré, on va le laisser fermenter 2 mois pour le doux, 3-4 mois pour le demi-sec que nous on appelle fruité, ou 5-6 mois pour le brut. Ce n’est pas si précis, c’est à nous de suivre l’évolution en pesant le taux de sucre dans le cidre, mais c’est une moyenne. Une fois que la fermentation en cuve est faite, on le met en bouteille pour stopper la fermentation. On fait ce qu’on appelle un soutirage pour stopper la fermentation, un moyen mécanique de séparer le cidre du ferment. Il passe dans une centrifugeuse, et comme le ferment est plus lourd que le cidre, il va s’en séparer. C’est le tout petit peu de ferment qu’on laisse qui donne le pétillant.

On dit cidre bouché parce qu’on met un bouchon, tout simplement. Et avec le peu de ferment qu’on laisse dans la bouteille, comme le bouchon empêche le gaz de partir, on acquiert le pétillant au bout d’un mois et demi.

Basically, all ciders are apple juice. To get the apple juice we want, we blend different apples. This is where the craftsman’s work comes in. He tests the vats in December, and that’s when he shapes the cider, blending the vats in varying proportions. It’s the same as for wine. This is where the craftsman creates the cider in his own image through his blends.

Once the juice is balanced, we leave it to ferment for 2 months for the doux, 3-4 months for the demi-sec, which we call fruité, or 5-6 months for the brut. It’s not that precise – it’s up to us to monitor developments by weighing up the sugar content of the cider – but it’s an average. Once the cider has fermented in the vat, we bottle it to stop the fermentation process. We do what we call a racking to stop fermentation, a mechanical means of separating the cider from the ferment. It goes through a centrifuge, and as the ferment is heavier than the cider, it will separate from it. It’s the tiny bit of ferment left behind that gives the sparkle.

We say corked cider because we simply put a cork in it. And with the little bit of ferment left in the bottle, as the cork prevents the gas from leaving, the fizz is acquired after a month and a half.

le cidre nicol
Les cidres Nicol ont reçu de nombreux prix, et sont disponibles dans leur boutique.

Vous avez également lancé une bière, était-ce une volonté de vous diversifier ?

You've also launched a beer. Was this a move to diversify?

Il y a 4-5 ans, on s’est posé la question sur le côté pérenne du cidre. La quatrième génération arrive, et on voyait que le cidre baissait un peu en France. Nous en tant qu’artisans ça augmentait donc tout allait bien, mais au global, ça baissait. Donc on s’est dit qu’on allait peut-être transmettre quelque chose à nos enfants qui ne serait pas viable dans 20-30 ans. Nous depuis 30 ans on était en croissance, mais notre clientèle est assez âgée. Mais voilà, dans 20-30 ans, est-ce que cette clientèle consommera encore du cidre ? On s’est dit que peut-être le cidre n’était pas un avenir durable.

Mon frère, Didier, est un grand amateur de bière, alors il s’est dit qu’on pourrait en faire. Moi j’ai rebondi là-dessus, car la bière permet de mutualiser notre outil de production. Le cidre c’est saisonnier, et j’ai du mal à garder et à occuper mon personnel entre les saisons. L’avantage de la bière, c’est qu’on peut en faire toute l’année, donc on en fait pendant les saisons mortes du cidre. Ça m’a permis de créer des CDI pour garder mon personnel à l’année.

En plus, on avait déjà notre réseau de distribution pour le cidre, et ce sont les mêmes qui achètent nos bières. C’est tout cet ensemble qui fait qu’on s’est mis à la bière. 

4-5 years ago, we asked ourselves whether cider was a sustainable product. The fourth generation is arriving, and we could see that cider was declining a little in France. As artisans, it was increasing, so everything was going well, but overall, it was falling. So we thought we might be passing on something to our children that wouldn’t be viable in 20-30 years’ time. We’ve been growing for 30 years, but our customer base is quite old. But in 20-30 years’ time, will they still be drinking cider? We said to ourselves that cider might not have a sustainable future.

My brother, Didier, is a big fan of beer, so he thought we could make some. I jumped on that because beer allows us to pool our production facilities. Cider is seasonal, and I find it hard to keep my staff busy between seasons. The advantage of beer is that you can make it all year round, so you can make it during cider’s off-season. This enabled me to create permanent contracts to keep my staff year-round.

What’s more, we already had our own distribution network for cider, and the same people buy our beers. It was all these factors that led us to start brewing beer.

Vois-tu une évolution dans la consommation de cidre ?

Do you see a trend in cider consumption?

Justement, je vois ça à Paris. Au Salon de l’Agriculture, on fait un bar à cidres, et on voit énormément de jeunes (principalement des jeunes femmes, d’ailleurs) consommer du cidre. De plus en plus, le cidre revient dans les bars, dans les pubs… On nous demande parfois de faire des cidres parfumés, peut-être que c’est le futur.  Donc c’est marrant, il y a 4-5 ans on s’était posé la question et finalement on voit notre clientèle rajeunir. Le cidre fonctionne bien, surtout depuis qu’on a mis en place le cidre pression. La bouteille est un peu plus vieillissante, mais à la pression ça fonctionne très bien. Je pense qu’on n’a pas de soucis à se faire !

That’s exactly what I’m seeing in Paris. At the Salon de l’Agriculture, we have a cider bar, and we see lots of young people (mainly young women, in fact) drinking cider. More and more, cider is making a comeback in bars, in pubs… We’re sometimes asked to make flavoured ciders, maybe that’s the future.  So it’s funny, 4-5 years ago we wondered about this and now we’re seeing our clientele getting younger. The cider is doing well, especially since we introduced the draught cider. The bottle is a bit older, but the draught works very well. I don’t think we have anything to worry about!

Quel est ton cidre préféré ?

What's your favourite cider?

Moi c’est le brut. Je ne bois d’ailleurs que du brut. Le cidre Guillevic, je l’aime bien en apéritif éventuellement, surtout quand il fait chaud car il n’est pas très fort en alcool. Mais ça reste quand même le brut, il y a quand même le fruit parce que chez nous il est un peu acidulé. Les autres sont trop sucrés pour moi. Et puis, le brut, c’est 75% de nos ventes de cidre, donc il n’y a pas que moi !

I drink brut. In fact, I only drink brut. I like Guillevic cider as an aperitif, especially when it’s hot, because it’s not very strong in alcohol. But it’s still the brut, it’s still fruity because in our house it’s a bit tart. The others are too sweet for me. Besides, brut cider accounts for 75% of our cider sales, so it’s not just me!

As-tu un petit mot à dire pour terminer ?

Do you have anything you'd like to say in closing?

Par rapport à Breizhtronomie, nous on aime bien recevoir les gens, on aime bien montrer notre travail, faire déguster nos produits et les faire connaître. On reçoit parfois des écoles quand on produit le jus de pomme et on les fait déguster le jus qui sort tout juste du pressoir. On aime bien montrer notre métier, et je trouve que l’idée de Bertrand est une très bonne idée, et pourvu que ça dure !

As far as Breizhtronomie is concerned, we like to welcome people, we like to show our work, have people taste our products and get to know them. We sometimes have schools over when we produce apple juice and we let them taste the juice that’s just come out of the press. We like to show what we do, and I think Bertrand’s idea is a very good one, and I hope it lasts!

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

Retrouvez Jean-Michel chaque jeudi lors du Food Tour Tribord !

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