Rencontre avec Yoan Lefeuvre, caviste à Auray

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Yoan Lefeuvre, véritable amoureux du vin et du produit. Il nous accueille dans sa boutique d’Auray. Avec lui, on parle produits locaux et vin breton (entre autres) !
Peux-tu te présenter et nous dire qui tu es ?
Je m’appelle Yoan Lefeuvre, je tiens la cave Le Vin et Vous. Je suis depuis 2 ans dans ce nouveau local, avant j’étais galerie du Pavillon. Encore avant j’étais à Carnac, en cave éphémère, et depuis de nombreuses années je suis aussi caviste en ligne, parce que c’est comme ça que j’ai commencé. En fait, j’ai commencé dans mon garage ! Il me manquait un point de vente physique, donc je me suis dit que j’allais tenter Carnac. J’y ai passé l’été, mais l’hiver, il n’y a rien à faire là-bas. Donc je suis parti sur Auray pour l’hiver, et je suis resté.
Quel est ton parcours ?
J’ai pas mal voyagé ! J’ai fait une école viticole, donc je viens du vin. Je suis allé à Paris, Strasbourg, dans l’Oise, je suis revenu en Bretagne, puis je suis allé au Mans, et à Nice aussi. J’étais caviste pour une enseigne qui s’appelle Nicolas, c’était une très bonne expérience car j’ai pas mal appris. J’ai eu plusieurs vies, parce qu’avant j’ai aussi été dans la restauration, au Parlement européen, au conseil de l’Europe, j’ai été agent commercial, chef de rayon… j’ai fait plein de choses !
Et le vin dans tout ça ?
Le vin, je suis tombé dedans quand j’étais petit, parce que quelqu’un dans ma famille avait une très belle cave. Puis je suis parti en école hôtelière, et je suis tombé en amour pour le vin. Il y a le vin ET moi. Depuis l’âge de 15 ans, je goûte. J’ai goûté de très belles choses, mais mon idée du vin c’est surtout de faire connaître au plus grand nombre des choses que l’on n’a pas l’habitude de goûter. J’aime remettre au goût du jour des cépages autochtones, oubliés.
J’ai aussi envie de faire découvrir des vins qui proviennent du Morbihan, même s’il faut attendre un petit peu. Par contre, j’ai découvert quelque chose il y a peu de temps : il y a des vignerons qui font des vendanges en Loire-Atlantique, mais qui rapatrient le raisin et font du vin sur place à Kervignac. Pour le clin d’œil, ça peut être vraiment sympa, c’est made in Bretagne !
Les vins bio, en biodynamie ou encore nature représentent la grande majorité de ta cave. Pourquoi ce choix ?
Le choix s’est traduit quand je suis parti en école viticole. Au départ, j’étais très standard, très classique. Puis, j’ai découvert qu’il y avait un autre monde, qu’il existait des choses différentes qui n’étaient pas mises en avant. Je n’étais vraiment pas un aficionado de ces vins là parce qu’il y en avait beaucoup qui étaient déviants et on n’avait pas l’habitude de ces vins-là. Mais il y en a qui sont bien faits, on a l’impression de croquer le raisin !
Je me considère comme un passeur de goût, et pas comme un revendeur de vin. Je ne vends pas une bouteille juste pour la vendre. Il me faut l’accroche avec le vigneron, j’ai envie de transporter les gens à travers les vignes. C’est un peu philosophique, mais c’est mon principe. J’ai envie qu’on voyage à travers la bouteille. Et donc la biodynamie, le nature et tout le reste, c’est le côté philosophique, la façon de travailler, qui est proche de la nature. On n’a rien inventé, le vin est un être vivant.
J’aime beaucoup les vignes. Quand on a une forêt, des arbustes, on a l’impression d’être en osmose avec la nature. Dans le côté urbain, c’est froid, c’est béton. Donc j’étais très malheureux quand j’étais à Paris. Ce qui m’importe c’est d’être en contact avec le savoir-faire, le côté artisanal, les façons de faire. Il n’y a pas que le vin qui m’intéresse, il y a aussi tous les produits de la Bretagne, donc je déniche.
Justement, comment choisis-tu tes produits ?
Déjà, je les choisis sur le côté local. Ensuite ce qui m’importe c’est d’avoir une histoire à raconter. Et il faut qu’il y ait une belle étiquette aussi ! C’est important parce que c’est la première chose qu’on voit. J’aime bien le côté esthète. C’est ce qui m’importe du côté de la sélection.
Après sur les bières, j’essaie de trouver des choses qui conviennent au plus grand nombre, et puis après j’affine. Ici, j’ai envie de faire en sorte d’être comme dans une bibliothèque, et j’ai envie de trouver les pièces rares, c’est ça qui m’importe.
Après on a aussi une sélection de whiskies, de rhums… Et ce qui est important, c’est qu’il y ait une âme derrière tous les produits, qu’il y ait le visage d’un artisan. Et ma philosophie, c’est aussi d’avoir tout ce que les autres n’ont pas.
Quel est ton dernier coup de cœur local ?
Mon dernier coup de cœur, c’est le pastis breton, que je viens de faire rentrer, qui vient d’Ille et Vilaine. C’est très à la mode. Après, on aime ou on n’aime pas, mais j’ai des pastis qui sont très rafraichissants. On n’est pas sur le côté lourd des pastis qui engourdissent un peu la langue.
Il y a aussi un gin au chanvre, c’est un distillateur près de Rennes qui fait ça et c’est très sympa. Ça vaut le détour, parce qu’on n’a pas besoin de l’accompagner avec quoi que ce soit, il se boit tout seul.
Et un petit dernier, un sans alcool, c’est du kombucha ! Little Joy, qui se trouve à Vannes. C’est un petit coup de cœur, parce que des kombuchas, il y en a, mais des bons, il n’y en a pas beaucoup ! Et en local il n’y en a pas beaucoup non plus. C’est intéressant parce qu’il y a des probiotiques, etc. Le seul inconvénient, c’est qu’une fois ouvert il faut le boire rapidement. Mais c’est très bon !
Qu’est-ce que tu attends du vin breton ?
Il y aura sûrement de la casse. C’est pour ça que du côté de Sarzeau, autour du château de Suscinio, ils ont préféré faire des bulles pour commencer, pour éviter justement d’avoir des retours négatifs sur les cépages. Mais ce qui va être assez intéressant, c’est qu’on va être du côté marin, océanique, et on va se retrouver probablement avec des vins qui se rapprochent de ce qu’on peut trouver sur l’Anjou. Ça peut être intéressant parce qu’ils ont planté du chenin qui a été planté, du pineau d’Aunis, du grolleau… Donc je même si je pense qu’il va y avoir des tâtonnements au départ, j’ai hâte d’avoir 2024…
Si on fait revivre la Folle Blanche, qui est un cépage qui était sur la Presqu’île de Rhuys, et qu’on en sort quelque chose d’assez intéressant, il y aura une revanche par rapport à ce qu’il y avait au siècle dernier, puisque c’était considéré comme un Muscadet mal fait. C’est du vin qui partait sur Vannes en distillation et qu’on appelait Cognac Fine de Rhuys (avant qu’il n’y ait les appellations).
Je pense qu’avec la minéralité qu’il y a d’un point de vue géologique dans les sous-sols, ça pourrait être sympa. Je sais qu’à Auray, le lycée Kerplouz a planté des cépages résistants à la maladie, donc ça peut être intéressant de voir comment ça va évoluer. En fait, c’est le Far West, c’est une nouvelle terre viticole qui est en train d’arriver et c’est un gros challenge. J’ai hâte de voir tout ça !

Retrouvez Yoan tous les lundis matins lors du Food Tour d’Auray !